Par Violaine Girard
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C’est à Saint Maur-des-Fossés qu’a exposé jusqu’à mi-mars Tiphaine Incarbona – nom d’artiste Tinca – à l’angle d’une petite rue, juste après l’imposante mairie de la ville. Cette dernière est particulièrement attentive aux projets artistiques et culturels de ses habitants. Elle a bien raison puisque Tiphaine ne cesse depuis quelques semaines d’enchaîner visites, ventes, discussions et partages autour de ses illustrations en pointillisme. Nous revenons sur sa carrière, ses motivations et le chemin qu’elle a parcouru pour en arriver là aujourd’hui.
Petit à petit, préférer le papier au clavier
Le choix des formes, des couleurs, le tracé d’une ligne, tous ces éléments ne sont pas inconnus de Tiphaine, graphiste de profession, à son compte depuis plusieurs années. Seulement, un jour, l’artiste a compris combien l’inspiration lui venait d’autant plus facilement qu’elle n’avait devant elle qu’un papier et un crayon – le même qu’elle utilise à chaque fois.

Nous sommes en 2021, le temps est gris et froid, un nouveau confinement est annoncé en France. C’est alors que Tiphaine se connecte sur les réseaux, déçue de voir son activité une nouvelle fois suspendue et lassée de ne plus pouvoir créer comme elle l’avait projeté. Car depuis quelques années elle fait un peu de céramique et aime s’exprimer grâce à l’artisanat. Or, elle découvre qu’un défi est lancé par une de ses amies de longue date : le Inktober. Chaque jour et ce pendant trente jours, il faut parvenir à créer un dessin sur un mot tiré au sort puis le partager. C’est ainsi qu’elle commence à mener une activité artistique régulière et se jette finalement dans ce qui exprime aujourd’hui tout son talent : l’illustration.
Plus besoin de réfléchir à quel logiciel utiliser, quel outil préférer, quand elle se retrouve nez à nez avec sa feuille blanche. Elle se laisse guider par sa mémoire, ses émotions et le résultat n’en est que plus riche. Elle n’a pas idée à l’avance de ce à quoi elle donne forme, elle explore, cherche des paysages dans lesquels elle aimerait aller. C’est ainsi qu’en mai dernier, elle vend sa première œuvre en pointillisme et projette de poursuivre plus tard dans l’illustration, notamment de livres.

Le temps long de la découverte enchantée
C’est presque une trentaine d’heures que peut passer Tiphaine sur ses œuvres, dont le format varie mais ne dépasse jamais une quarantaine de centimètres. L’artiste médite pendant son travail minutieux et patient qui prend la forme d’une activité presque thérapeutique pour se ressourcer. L’évasion et la découverte se vivent donc en-même temps qu’elles se forment : l’élaboration de pointillés offrent la possibilité d’une reprise, d’une réflexion continue, la possibilité d’imaginer la suite sans précipitation.
Mais le temps de l’ouvrage n’est pas sans lien direct avec le temps de l’œuvre. Les paysages que nous propose l’artiste sont une invitation à faire silence, à faire une pause. Leurs titres sont évocateurs : « Détente », « Oasis ». Ils représentent des endroits chauds, en témoignent les maisons typiques des régions méditerranéennes, les plantes, le soleil. L’artiste s’inspire d’ailleurs de son quotidien à Montpellier qu’elle partage avec Saint-Maur ainsi que de ses souvenirs d’enfance : les pins parasols, les longues allées habillées de palmiers. Le temps se dilate et l’on a envie de se perdre encore un peu dans ces pauses enchantées.
Une invitation au voyage mais pour mieux se retrouver
Vous l’aurez remarqué, les œuvres de Tiphaine ont une forme arrondie comme un hublot d’avion, comme la fenêtre du dernier étage d’une vieille maison qu’on dépoussière pour prendre du recul sur son jardin. L’artiste souhaite en effet que, dès le premier regard, nous plongions dans son œuvre, véritablement, que nous tombions dedans comme dans une ouverture béante. L’impression de saut dans un espace-temps différent de notre quotidien houleux et bruyant est d’autant plus fort que les contrastes apportent une perspective et une profondeur aux dessins.

Et où veut-elle nous emmener ? Parfois se dresse devant nos yeux des plantes imposantes qui dépassent les autres éléments du paysage, qui sortent même du cadre. Parfois une montgolfière se dessine qui s’envole aspirée par le haut du dessin. C’est comme si les éléments nous appelaient à eux, vivants, mais seuls, sans aucune présence humaine. Car c’est bien cela dont il s’agit : les paysages sont vierges, la nature est sauvage. Mis à part les demeures de pierre et de mosaïques qu’on devine élaborées par la main humaine, cette dernière est absente. Comme le dit l’artiste elle-même, le choix de ne pas représenter de personnages permet à chaque spectateur de mieux s’identifier à l’œuvre, de mieux s’y imaginer, s’y retrouver.
Paradoxalement, pourtant, les dessins de Tiphaine parlent de l’être humain. En effet en donnant à voir ce qui compose la nature, ils nous font prendre conscience de ce qui nous constitue et nous permet de vivre, notamment les quatre éléments. Ces derniers -l’eau, l’air, le feu, la terre- très présents dans les livres, les films, les peintures se retrouvent ici d’une manière tout à fait nouvelle, conjoints, pour former l’atmosphère paisible qu’on ressent devant les œuvres.
L’inouï richesse du détail ; c’est lui qui donne vie
Si vous n’avez pas le cœur aux découvertes et aux aventures, sachez que les œuvres de Tiphaine sauront malgré tout vous faire vibrer. Car finalement, elles ne se limitent pas aux grands horizons, elles se construisent progressivement avec une attention aux détails minutieuse.
Un petit livre, corné, posé sur la couche d’une chambre, un pin qui se dresse plus maladroitement que les autres sur la colline, un trait du courant de la rivière qui se détache au tournant de son lit, tous ces petits détails se nichent, fragiles, en même temps parfaitement à leur place. Ils sont amusant à scruter, et à en regarder chaque jour les contours, on a envie d’en deviner les secrets.

Peut-être que comme l’artiste interrogée vous vous souvenez des histoires de Émilie et le crayon magique. Dans ce livre pour enfant, le trait dessiné prend finalement forme. L’univers imaginé sur le papier devient réalité. Même si ces points ici, ne se transformeront pas, vous goûterez malgré tout à quelque chose de vrai, de réel… vous goûterez aux émotions du voyage, de l’inconnu et vous évaderez de votre quotidien pendant quelques précieuses secondes. Le point a cela de presque plus naturel et chaleureux que la ligne ; il vous donne un espace dans l’œuvre, pour que vous puissiez en faire votre propre expérience.
C’est riche et singulier, éloge de la simplicité du crayon et du support papier en somme, un retour à l’essentiel.
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