Par Violaine Girard
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Êtes-vous familiers des Landes ? Ce petit coin de terre français blotti à l’Ouest entre la mer et les pins ? Rien ne vaut ses couchers de soleil ni la couleur dorée de son sable sur la plage. Avec le retour du beau temps en ce mois de mars, nous avons décidé de vous faire voyager là-bas pour découvrir les œuvres de Benoît Guettet.

A mi-chemin entre l’artisanat et l’art, l’originalité de Benoît tient à la méthode dont il est spécialiste, celle de l’assemblage et à l’outil qu’il manie : une tronçonneuse. C’est cette dernière qui apporte à la matière inerte et rude des acacias la forme unique des sculptures ou du mobilier en bois que l’on peut voir sur ces photos.

Benoît assure toutes les étapes de cette transformation. C’est d’abord dans sa maison, aux larges poutres et très lumineuse qu’il dessine. Il imagine en amont les assemblages nouveaux qu’il pourrait entreprendre. Puis il choisit l’arbre qui correspond le mieux à son projet, directement dans la forêt qui se dresse à quelques pas de chez lui. Ensuite, c’est dans son atelier, au fond du jardin, qu’il découpe et nettoie les pièces. L’artiste les ponce puis les sculpte à la tronçonneuse. Nous revenons dans cette interview sur cette technique singulière :

“Swell periods”

Benoît, vous n’avez pas toujours exercé un métier d’art : comment est-ce que l’on passe d’un quotidien de professeur des écoles à celui d’artiste installé ?

Je pense que depuis toujours, et c’est lié à l’éducation que j’ai reçue, le plus important n’a jamais été pour moi le travail en tant que tel, mais l’épanouissement personnel que l’on peut développer dans une vie. Quand nous nous sommes installés dans les Landes avec ma compagne, nous avons acquis une grande parcelle vierge, avec quelques chênes. Nous avons alors fait appel à un constructeur de Gironde qui faisait des maisons typiques en bois, par empilement, nous voulions quelque chose qui s’intègre dans le paysage, qui respecte la nature.

Le coup de foudre a alors été direct. J’ai été fasciné non seulement par ce qu’il nous a proposé mais par la manière dont il travaillait. Il utilisait une méthode d’assemblage, qui permet de jouir d’une grande liberté dans les installations et j’ai eu envie d’en découvrir les secrets. Je n’ai pas quitté l’Éducation nationale tout de suite, j’ai d’abord continué à mi-temps de manière à me consacrer quelques jours par semaine à mes projets de construction, rénovation. Puis un jour, j’ai décidé de me lancer entièrement et c’est ainsi qu’aujourd’hui je fais surtout du mobilier et des installations diverses en bois.

Quelle est cette technique singulière d’assemblage dont vous parlez ?

À la différence d’une méthode classique de conception et de travail sur un seul bloc de bois, une méthode par assemblage fait s’emboiter plusieurs pièces en laissant du vide, en jouant avec les formes. Cela se travaille en amont, je dessine beaucoup, je regarde à quels endroits je veux que mes points se rejoignent. Je peux aussi bien faire des entailles rondes que carrées. Cette technique me plaît énormément car je ne réalise pas seulement des meubles ou des installations à visée fonctionnelle mais aussi des sculptures et ces dernières ont une part graphique importante.

C’est grâce à l’artisan qui nous a fait notre maison que j’ai tout appris. Au départ, j’ai construit de petites maisonnettes en rondins dont j’assure aujourd’hui la location, puis j’ai fait un travail de rénovation d’une bergerie. J’ai également agrandi ma propre maison. Mais aujourd’hui c’est au mobilier et aux sculptures que je me consacre. La méthode d’assemblage fait prendre du recul sur les entailles possibles, donne la possibilité de créer des décalages. Les projets sont si variés, il y a beaucoup de choses que j’ai en tête et que je veux réaliser dans les mois à venir. C’est vraiment la technique et ses possibilités qui est source d’inspiration.

“De la Houle à la Vague”

En quelques mots, pourriez-vous nous rappeler ce qu’est le Land Art ? Voyez-vous un lien entre ce courant et votre travail ?

Je n’ai jamais eu vraiment d’artistes qui m’ont inspiré ou de courants dans lesquels je me retrouve. Pour moi c’est plus facile de créer en partant de rien. C’est tout bête mais j’aurais trop peur en voyant ce qui existe de ne plus réussir à donner déjà forme à tout ce que j’imagine et au vécu que j’ai emmagasiné. Mais, il est vrai que le Land Art m’a toujours passionné. L’idée c’est tout simplement de considérer la nature comme véritable matériau de création artistique : c’est elle que l’on travaille, modèle, dont on part. C’est ce que je fais en quelque sorte de mon côté avec le bois. Je vais chercher ce qu’il est capable de donner en termes de mouvement, d’agencement, de profondeur. De ce point de vue-là, les œuvres de l’artiste Andy Goldsworthy, si j’avais à n’en citer qu’un, sont une source d’émerveillement.

Comment la nature en est-elle venue à vous inspirer ? Est-ce bien le mouvement que vous cherchez à travers ces pièces de bois pourtant si massives ?

Originaire de Haute-Savoie, j’ai eu la chance de grandir au milieu de la nature, c’est vrai. Ski, randonnées dans la montagne, ce quotidien m’a énormément apporté. Et maintenant, dans les Landes, quelle chance de me réveiller face à la mer, entre la plage et la forêt ! Pourtant, c’est drôle, ce ne sont pas tant les éléments de la nature que je cherche à représenter que ce qu’ils nous donnent de vivre. Je fais par exemple du surf depuis toujours et ce qui me fascine ce sont ces moments, seul, porté sur les vagues, pendant lesquels j’expérimente le mouvement de l’eau, le caractère magique du vent. C’est cette dynamique poétique que je tente de retranscrire dans les lignes brisées et les courbes de mes sculptures.

“Marches sur l’eau”

Une lumière singulière, un coucher de soleil marquant, ce sont autant de moments très forts dont j’aime faire l’expérience. Ce sont ces derniers qui m’incitent à travailler l’équilibre qui traverse mes pièces de bois. Quand on sculpte un seul bloc on ne peut pas raconter les mêmes histoires. Une technique d’assemblage me laisse au contraire la possibilité de m’inspirer de la nature, elle qui est la première à proposer des alignements parfaits d’éléments. Et c’est pour ça que là réside mon rêve : avoir le temps un jour de réaliser des pièces de plus en plus élaborées, de chercher encore plus de finesse. Ce qui traverse la matière a en effet parfois tellement plus à dire que la matière elle-même.

Une réponse

  1. Quel courage cette démission du statut de fonctionnaire. Mais je suis certaine que ton audace d’exprimer ton âme d’artiste en conjugant bois et nature landaise portera ses fruits. Bon vent et belles réalisations

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